Déjà petite…

Dans les Codrii, massif forestier au centre de la Moldavie, la famille d'Ekaterina possédait quelques arpents de vignes dont les raisins servaient à l'approvisionnement familial ou partaient à la coopérative locale. C'est certes là que petite déjà Ekaterina rêvait d'un futur domaine vinicole. J'ai été initiée à la vinification par mes parents quand je me faufilais pour contempler les cuves en fermentation. Attendrie mais aussi interpelée par mon intérêt naissant, ma maman m'a convaincue quelques années plus tard de suivre les cours de l'Institut Agricole de Chisinau. Un cursus généraliste, cours d'œnologie compris, délivré par cette institution de la capitale du pays. Un début prometteur.

Départ pour la France

Descendre du train après un long voyage avec juste trois mots de français en tête, voilà Ekaterina un peu perdue par un changement aussi radical. Mais son tempérament affirmé n'est guère vite désarçonné. C'est à Nantes qu'elle se rend, un programme récent d'échange d'étudiants mis en place par l'ENITIAA, aujourd'hui ONIRIS Grande École Nationale dépend du Ministère de l'Agriculture l'a sollicitée.
Je devais être dans les tous premiers bénéficiaires de cet échange, je me sentais dans la peau d'un cobaye, position qui a forgé ma détermination, mon envie de rester en France.
Pas simple, mais réaliser ses ambitions, concrétiser ses rêves, demandent force de caractère comme son lot de résilience. 

Je reste !

C'est le pays du vin et le rêve d'une enfant comprend que son avenir ne peut être que là. Enchaînant stages et contrats, mais pas dans le milieu vinicole, Ekaterina se retrouve en Russie engagée par Senoble pour la promotion de produits laitiers. Et le vin dans tout ça ? Membre du club HEC vins suite à ses études, elle suit, de retour à Paris, les formations données par Franck Thomas, meilleur sommelier d'Europe en 2000. Se voit embauchée par un négociant bordelais. La passion se rapproche…

Coup de théâtre

Tout se joue en cette belle année 2019. Mariée entretemps, Ekaterina apprend que sa belle-famille cherche un repreneur pour ses 70 hectares couverts de blé et de luzerne à Saint-Julien-de-Cassagnas, un petit coin perdu du Gard au pied des Cévennes. J'ai décidé de tout quitter pour planter quelques hectares de vignes tandis que mon mari optait pour la culture de plantes aromatiques. Tout finit par se concrétiser…

La gare

Comme le bout du voyage, le couple s'établit dans la gare du village. Réminiscence de son enfance, un petit village, un grand bâtiment à aménager, des vignes à planter à la place du blé. Mais aussi la trace du passé qui rejoint la tradition familiale laissée dans ce lointain Est. Les parcelles plantées ont connu les ceps du temps des moines Trappistes. L'image d'un vignoble séculaire parle à l'imaginaire, le rassure aussi, on sait qu'ici c'est possible et laisse libre cours au foisonnement d'idées, aux projets, aux envies.

Le projet

Deux axes conducteurs du projet : Durabilité environnementale et créativité.  Ekaterina a planté 13 cépages et 240 arbres sur une parcelle de 7 hectares d'un seul tenant selon le concept de la vitiforesterie : rangs de vignes et rangs d'oliviers et de chênes s'alternent, créant ainsi des corridors écologiques couverts de fleurs mellifères. Ruches et nichoirs complètent l'ensemble. Quant au choix des cépages, les critères suivants ont été pris en compte : les Assyrtiko blanc, Alvarinho blanc, Saperavi, Verdejo blanc et Nielluccio pour leur tolérance au stress hydrique ; les Muscaris blanc, Soreli blanc pour leur tolérance aux maladies cryptogamiques et 'Tradition' : Syrah, Mourvèdre, Chardonnay blanc, Sauvignon blanc, Vermentino blanc et Pinot Noir. Je conduis les vignes en gobelets sur échalas en acacia et j'ai opté pour la vinification en monocépage avec une intervention minimale pour bien exprimer le terroir. Remettre de la diversité dans la parcelle est pour moi la clé de son expression. Les vins issus de ces démarches livrent des sensations inconnues, des saveurs à redécouvrir, une connexion évidente avec la nature. Tout est à créer, c'est génial ! Les possibilités semblent infinies, le travail est énorme. J'ai fait mes classes depuis vingt ans et mon arrivée en France sans connaître la langue, toutes les étapes que j'ai franchies avant de m'installer font que je n'ai plus peur d'affronter un challenge de cette envergure…

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